lundi 28 juillet 2014

Man vs Wine

Nos interventions sur le net se font plus rares et voilà déjà un mois et demi que l'on travaille dans les champs : le temps file, nos corps s'adaptent du mieux qu'ils peuvent à l'effort physique, reste à gérer la chaleur caniculaire ! Cette dernière est parfois écrasante... Ce pays nous réserve bien des surprises, après avoir passé l'hiver le plus froid de notre carrière dans l'est, on se coltine l'été le plus chaud jamais enregistré par nos organismes dans l'ouest ! "Le Canada va vous rendre plus fort" qu'ils disaient en Ontario, je crois qu'on comprends de mieux en mieux de quoi ils causaient.
On a quitté nos russes pour un retour dans les vignes, chez un suisse d'abord, et nous voilà désormais chez des amis du suisse, sud africains cette fois. On loge chez eux, sous un toit de tôle, idéal pour ne pas trop avoir froid... Sous ce même toit de tôle, juste à côté du matelas, aiment lézarder nos colocataires furtifs, les serpents de la vallée. Heureusement, pas de sonnette, on n'est pas encore complètement faits comme des rats. 
Alors que vous dire, ben le travail de la vigne par 40°C ça fait mal, même quand on se réveille en plein milieu de la nuit pour commencer le travail à la fraîche. Cela fait maintenant un mois que l'alarme sonne à 4h du matin, alors autant être honnête, on n'a nullement besoin de berceuse et c'est pas souvent qu'on a l'occasion de regarder les étoiles.
Pour les potins, la départ de chez les russes a eu le mérite d'être pour le moins animé. Si j'étais journaliste au Progrès de Lyon, je dirais que les indiens d'Inde ne sont pas fiables et n'ont pas de respect pour l'être humain, que les russes sont des voleurs , que les suisses, eux donnent bien l'heure et que les sud africains sont altruistes. Malheureusement, je n'ai pas d'illustrations, mais je suis sûre que beaucoup d'entre vous les ont en tête... Alors pour lutter contre les voleurs, l'ours Martin a du hausser la voix, et croyez-nous, la voix de l'ours, ça fait flipper le russe ! On l'a eu notre argent, ils nous auront pas (les enculés d'en face) !
Cette vallée nous étonne, on a du mal à croire qu'on est bel et bien au Canada. Les saisonniers pullulent et peuvent bien vite être catégorisés, un peut comme les délinquants à Lyon d'ailleurs... Alors pour continuer dans les généralités, il y aurait : 
- les québécois tout juste pubères dont on a déjà parlé, en plein voyage initiatique et en mode sexe accordéon et alcool
- les saisonniers endurcies, les machines, qui sont là pour faire de l'argent, illégaux pour la plupart
- les voyageurs, dont nous faisons partie, qui sont là parce qu'ils ont entendu parler de la fameuse vallée fertile
Ce que l'on entend beaucoup de la bouche de nos collègues, c'est ce projet de mettre les voiles au sud à la fin de l'été. Pour être tout à fait honnête, pour les travailleurs pas tout à fait légaux comme il y en a beaucoup ici, le scénario classique consiste à passer l'été dans l'Okanagan, migrer en Californie au début de l'automne pour un autre genre de récolte très lucratif et pas très légal, pour enfin atterrir l'hiver venu, les fesses au chaud au Mexique. Nous ont retiendra l'idée finale des miches bien au chaud pour l'hiver. On travaille fort pour passer les prochains mois hostiles à manger frit et boire du Mezcal, et ça motive les troupes ! L'idée de prolonger le voyage est de plus en plus claire dans nos petites têtes, reste à voir si le manque de vin bon marché (et de saucisson pour l'ours) ne sont pas trop prenant. En attendant, on trime dans la vigne huit à dix heures par jour sept jours par semaine histoire de faire gonfler les salaires, le tout pour le compte de supers patrons. Et bing, on enterre les russes ! In Vino Veritas. 

dimanche 6 juillet 2014

The Zebroff Family and the Cherry Factory

Similkameen Valley, Colombie Britannique. Nous voilà enfin officiellement et légalement travailleurs au Canada. On renfloue les caisses depuis un peu plus de deux semaines maintenant, passant du statut de simples wwoofers à celui de travailleurs agricoles salariés. Et bingo, ascension sociale réussie ! 
Bon alors par contre, il a fallu un peu s'ajuster quant à la nature du travail. On a d'abord atterri dans la Vallée d'Okanagan, célèbre depuis bien longtemps pour ces cerises, et depuis peu pour ses vignobles. On s'était fait recommander cette vallée riche en emplois estivaux par les québécois du sirop d'érable, mais ce à quoi l'on ne s'attendait pas, c'est trouver cette vallée remplie de francophones avec les hormones en folie et la festi attitude. Et au risque de passer pour des vieux cons avant l'heure, on a eu un petit souci d'adaptation, surtout au terrain vague sans eau potable qui nous servait de camping qui accueillait une bonne bande de punks à chiens. 
Bref, on a pris un bon petit coup de vieux et on a mis les voiles dès qu'on a pu, laissant les ados vomir à souhait où bon leur semble. Le très bon côté de la chose, c'est qu'en effet, trouver du travail en tant que saisonnier là-bas est littéralement facile comme bonjour. En à peine une journée, on a dégoté un travail dans un vignoble au décor plutôt paradisiaque et plutôt bien payé qui plus est. On y sera resté dix jours, parfaisant notre bronzage visage-bras-mollets. 
Et puis l'idée initiale était de cueillir ces fameuses cerises, les vignes n'étant là que pour nous faire patienter. L'emploi de cueillette a été lui aussi très facile à trouver mais les conditions étaient loin d'être rêvées. Il faut en fait imaginer une trentaine de saisonniers composée de vingt-cinq québécois tout juste pubères, arborant fièrement dreadlocks, spike en métal, piercing et tatouages. Plus seulement cinq anglophones et nous. Les festi jeunes ça passe encore, mais le gros du problème qui nous a fait déménager avant le début de la récolte, c'est l'arrosage des tentes à grands coups de pesticides.
Le jour du départ, un cosmonaute sur un tracteur vaporisait sa merde alors qu'on était juste à côté... Ça se passe donc de commentaires... Heureusement pour nous, on avait trouvé une ferme bio aux propriétaires russes dans la vallée voisine qui était prête à nous faire travailler.  On est donc dans un petit coin de paradis où l'on peut de surcroît manger les cerises qui sont sur les arbres, un gros luxe au pays du chimique ! En revanche, pas de cueillette ici, on est des trieurs. On voit donc défiler une bonne dose de cerises sous nos yeux. Moins fatigant que la vigne somme toute. Equipe internationale, c'est assez marrant et l'Europe est en fête. Sinon, les poules courent au milieu du verger, la vache laitière squatte à côté de notre cuisine d'été, une oie schizophrène se prend pour un chat méchant en terrifiant les travailleurs et les moutons sont noirs.
Nos dix jours de travail touchent déjà à leur fin, on va essayer de chercher autre chose dans le coin et surtout d'éviter de se faire asperger par une pluie de produits chimiques... et on y croit !